Un processus de paix revitalisé au Yémen doit inclure les victimes

04/06/2024

Les bouleversements régionaux résultant de la guerre en cours à Gaza ont créé davantage d’obstacles sur le chemin déjà complexe vers la paix au Yémen. Les rebelles Houthis poursuivent leurs attaques en mer Rouge, qu'ils qualifient d'actes de solidarité avec la Palestine, malgré les représailles des États-Unis et de leurs alliés. Ces événements ont détourné l'attention de l'ensemble des engagements pris sous l'égide des Nations unies par les parties au conflit au Yémen en décembre 2023, qui comprennent un cessez-le-feu national, des mesures visant à améliorer les conditions de vie dans le pays et un processus politique inclusif en vue d'une paix durable.  

Le conflit qui dure depuis neuf ans a dévasté le pays et créé l'une des pires crises humanitaires au monde. Selon le Plan de réponse humanitaire au Yémen pour 2024 du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, 18,2 millions de personnes auront besoin d’ une aide humanitaire et de services de protection en 2024, contre 21,6 millions en 2023. La situation déjà désastreuse pourrait bientôt s’aggraver encore. En janvier, les États-Unis ont réinscrit les Houthis sur la liste des terroristes mondiaux, ce qui n'a guère contribué à les dissuader de leurs actions en mer Rouge, mais pourrait avoir des effets négatifs sur l'économie du pays et les conditions de vie de sa population.

Face à ces défis régionaux et locaux persistants, il est plus que jamais impératif de soutenir la société civile et les victimes au Yémen et d'attirer l'attention sur les griefs et les besoins des victimes. Cela peut renforcer la position des victimes dans le processus de paix et ouvrir la voie à une paix durable et, à terme, à la réconciliation nationale.  

À cette fin, l’ICTJ continue d’amplifier la voix des victimes aux niveaux national et international à travers le récit. Nous contribuons également à renforcer les capacités des organisations de la société civile et des groupes de victimes, à mieux les connecter et à leur permettre de défendre efficacement leurs droits et de s'engager activement dans le processus de paix.  

Le Réseau des Victimes du Yémen (RVY), créé en 2023 avec le soutien de l'ICTJ, est le premier du genre dans le pays et offre à ses membres une communauté sûre et accueillante où ils peuvent partager des perspectives et des expériences diverses, s'aider mutuellement à faire face aux défis qu'ils rencontrent et coordonner leurs activités. Le travail en réseau est un outil de plaidoyer puissant qui peut contribuer à garantir que les victimes, leurs besoins et leurs demandes soient au cœur du processus de consolidation de la paix. Pour preuve, le RVY a soumis une déclaration commune au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies lors de l'Examen Périodique Universel du Yémen en octobre dernier, dans laquelle il a fait part de ses principales préoccupations et recommandations et a exhorté le gouvernement à respecter ses obligations en matière de droits humains.  

En complément de ce travail de plaidoyer, l'ICTJ et son partenaire Home of Cine-Jam ont coproduit la série documentaire « Zyara to Yémen ». La série documentaire vise à donner un visage humain aux multiples défis auxquels est confronté le peuple yéménite, et en particulier les réfugiés yéménites. Il comprend quatre épisodes de cinq minutes présentant des témoignages personnels inspirants révélant les conséquences de la guerre au Yémen. Chaque épisode dresse le portrait poétique d'un réfugié vivant à Oman, comprenant un avocat et militant des droits humains, un employé de restaurant, un champion d'arts martiaux et un homme d'affaires. Leurs histoires décrivent l'impact de la guerre sur la vie des individus, rappelant qu'il faut est nécessaire d'écouter la voix des victimes et d'intégrer leurs besoins et demandes de justice dans l'agenda politique.

Pour que le processus de paix au Yémen soit légitime, la société civile et les victimes doivent être incluses. La revitalisation d’un processus de paix inclusif est primordiale pour mettre fin au long conflit et à la grave crise humanitaire qu’il a engendrée. Cependant, à la lumière de la guerre à Gaza et de ses répercussions dans la région et sur le Yémen, il est désormais essentiel que toutes les parties impliquées dans le processus de paix au Yémen réévaluent leurs stratégies et reconnaissent que la fin de la guerre à pourrait être indispensable pour relancer et faire progresser le processus de paix au Yémen.

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PHOTO : Un observateur de terrain de la Commission nationale du Yémen chargée d'enquêter sur les violations présumées des droits de l'homme (NCIAVHR) examine les destructions causées par la guerre dans le district de Salah, dans le gouvernorat de Taiz, en 2023. (Maher Al Absi/NCIAVHR)