Quand les fenêtres d’opportunité pour la paix et la justice se ferment

05/09/2024

Au lendemain d'élections présidentielles controversées, les tensions politiques au Venezuela ont atteint de nouveaux sommets, culminant avec une coupure d’électricité brutale et généralisée qui a plongé 80 % de la population du pays dans le noir. Le manque chronique d’investissements dans les infrastructures publiques et la corruption endémique qui y est associée sont probablement la principale raison de cette panne d’électricité et d’autres qui se produisent fréquemment. Toutefois, le président Nicolas Maduro a accusé l'opposition de commettre un « sabotage électrique » dans le but de l'évincer du pouvoir.   

En effet, cette panne est survenue au sortir d'une élection présidentielle qui s'est déroulée dans un climat de répression et de persécution. Les résultats n'ont pas été reconnus ou ont été largement remis en question au niveau international en raison de leur manque de transparence et de vérification objective. Au niveau national, ils ont déclenché des manifestations publiques massives, au cours desquelles des membres de l'opposition politique, des militants de la société civile, des journalistes et des Vénézuéliens de tous horizons sont descendus dans la rue pour exprimer leur méfiance collective à l'égard des résultats officiels, leur indignation face à la crise économique et politique que traverse le pays et leur demande d'un changement transformateur. Pendant un bref instant, leur nombre et l'unité de leurs voix ont fait naître l'espoir qu'une fenêtre d'opportunité vers un véritable changement s'était ouverte. 

Ces manifestations n’étaient pas sans risques. Depuis les élections, le gouvernement a réprimé la dissidence, arrêté plus de 2 000 personnes, restreint les libertés civiles et politiques, intensifié la surveillance de la population et censuré les communications sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux. De plus, la récente loi sur le contrôle, la régularisation, le fonctionnement et le financement des organisations non gouvernementales et apparentées, connue sous le nom de « loi anti-ONG », porte atteinte à la liberté d’association et au droit de participer aux affaires publiques du pays.

À ce stade critique, il faut reconnaître qu’une paix durable ne peut être obtenue que par un processus inclusif qui s’attaque aux causes profondes du conflit, cherche à établir les responsabilités pour les violations – passées et présentes – des droits de humains et s’attaque aux inégalités socio-économiques sous-jacentes et à la corruption systémique qui affligent le pays depuis bien trop longtemps. En l'absence d'un tel processus inclusif, il sera impossible de trouver un chemin vers la paix et la justice au Venezuela. 

Dans les pays confrontés à des violations massives des droits humains, une fenêtre d'opportunité s'ouvre de temps à autre pour permettre à la société de se rassembler et de forger un chemin vers la paix et la justice. Malheureusement, ces fenêtres ne restent pas ouvertes indéfiniment ; il arrive qu'elles se referment rapidement et de manière spectaculaire.

C'est particulièrement vrai pour l'Afghanistan. Le mois d'août a marqué le troisième anniversaire de la chute de Kaboul et du retour au pouvoir des talibans. Après deux décennies de tentatives d'un gouvernement soutenu par la communauté internationale pour orienter le pays vers une société juste et digne pour tous, l'Afghanistan a été brutalement replongé dans l'autoritarisme. La stabilité qui avait fragilement été établie s'est rapidement dissipée, donnant naissance à une réalité trop familière caractérisée par la peur, la répression et l'érosion des droits fondamentaux.

En trois ans, les femmes et les filles afghanes ont été visées par plus de 100 décrets qui, ensemble, les privent de leurs droits les plus fondamentaux, notamment le droit à l’éducation, aux soins de santé, à la liberté de mouvement et à la liberté d’expression. Le dernier décret interdit notamment aux femmes de sortir en public le visage découvert ou sans être accompagnées d’un homme, et même de chanter, dans le cadre d’une politique systématique visant à les faire taire et à les effacer de la société.

Les chemins vers la paix et la justice sont longs et difficiles. Une paix durable et des systèmes démocratiques exigent des efforts considérables, une vigilance sans faille et des ressources substantielles. Les normes relatives aux droits humains doivent animer tout processus mis en place pour y parvenir, et les besoins et les expériences des victimes doivent être au centre des préoccupations. Lorsqu'une fenêtre d'opportunité s'ouvre, nous devons tous, aux niveaux régional et international, soutenir les efforts d'une société pour la saisir avant qu'elle ne se referme et ne laisse ses membres dans le silence et l'obscurité. 

____________
PHOTO : Des milliers de manifestants se rassemblent sur la Plaza Manco Cápac à Lima, au Pérou, le 17 août 2024, pour exiger la liberté, la justice et la démocratie pour le Venezuela. (beny032/Flickr)